Assumer une identité réflexive
Philippe Perrenoud
Faculté de psychologie et des sciences de l'éducation
Université de Genève
2005
[…] Il n'est pas interdit de réfléchir dans son coin, sans rien dire à personne. Mais un praticien réflexif ne réfléchit pas pour le plaisir, il vise davantage d'efficacité, d'équité, de qualité, de continuité, de cohérence. Il a donc besoin des autres, d'abord pour confronter son analyse à la leur, ensuite pour s'assurer de leur coopération, voire déclencher une action collective lorsque l'analyse montre que c'est l’unique façon de s'attaquer aux vrais problèmes. […]
Un praticien réflexif n'est pas un philosophe questionnant le sens de l'action à la manière d'un philosophe. Il veut agir. Il ne laisse donc pas les autres tranquilles, il les " dérange ", ne serait-ce qu'en formulant une autre vision du possible et du nécessaire, en mettant autrement en évidence les responsabilités, en suscitant parfois des culpabilités. Assumer une identité de praticien réflexif, c'est assumer un rapport aux autres qui peut engendrer agacement, rejet, ironie, controverse, lassitude, marginalisation.[…]
Pour que réfléchir ne soit pas une souffrance ou une source d'angoisse, mais de développement personnel et de maîtrise du réel, il importe que la personne y trouve son compte de manière plus " égoïste ", parce que réfléchir donne du sens, du sel, de la valeur à son existence professionnelle. Huberman (1989) a montré qu'une des craintes des enseignants expérimentés tourne autour d'une question existentielle simple, mais terrible : " Vais-je mourir debout au tableau noir une craie à la main ? " Le poids de la routine peut engendrer soit l'évasion vers d'autres conditions sociales, soit le minimalisme professionnel, enseigner devenant un gagne-pain pour vivre d'autres expériences, théâtre, voyages, politique par exemple.
La pratique réflexive et plus globalement l'engagement, l'innovation, l'implication dans des aventures professionnelles collectives et des projets sont des réponses d'un autre type. Il ne serait pas inutile qu'en formation initiale et continue, on travaille ces questions. Donc aussi des thèmes comme la prise de risque, l'angoisse, le goût du pouvoir, l'ennui, la solitude, la routine.
Merci si Omar pour la confiance! Grand Homme! Aboudrar bien sûr!